The Killer

Invité d'honneur 2025 : John Woo

Tueur à gages désabusé, Jeff (Chow Yun-Fat) aspire à changer de vie. Alors qu’il exécute un contrat dans un cabaret, il blesse par erreur une jeune chanteuse, Jennie (Sally Yeh), qui devient aveugle. Rongé de remords, il accepte une dernière mission pour réunir l’argent nécessaire à l’opération qui permettra à Jennie de retrouver la vue…

John Woo naît en 1946 à Canton, en Chine, et grandit à Hong Kong. Se passionnant très vite pour le cinéma, il tourne dans sa jeunesse des courts métrages en super 8. Il intègre en 1971 la société de production Shaw Brothers et devient l’assistant personnel du cinéaste Chang Cheh, connu pour ses films d’action et de sabre. John Woo est par la suite recruté par la compagnie Golden Harvest et passe à la mise en scène en 1974 avec Les Jeunes Dragons. Pendant une décennie, il enchaîne comédies et films d’arts martiaux, dont il reconnaît lui-même l’aspect purement commercial, le studio étouffant toute velléité d’expression personnelle. Sa carrière va évoluer grâce à Tsui Hark, figure de la nouvelle vague hongkongaise, qui fonde en 1984 sa maison de production, Film Workshop, et accepte de financer Le Syndicat du crime (1986). Avec ce film, John Woo bénéficie enfin d’une plus grande liberté, affirme un style visuel éclatant et dirige pour la première fois Chow Yun-Fat, qui s’imposera comme son comédien fétiche.

Avec The Killer, le cinéaste veut rendre hommage à l’univers de Jean-Pierre Melville et inscrit son récit dans le prolongement du Samouraï (1967). Suivant le parcours d’un tueur en quête de rédemption, John Woo, fervent chrétien, imprègne de religiosité son film, qui se termine par un assaut dans une église, où les colombes volent au milieu des cierges. Il frappe surtout les esprits par son usage graphique de la violence, exacerbée par un montage syncopé, d’amples mouvements de caméras, des ralentis, et de sidérants gunfights, qui ont parfois été tournés en pleine rue, déclenchant l’affolement des passants et l’intervention de la police.  

« On a beau jeu de gloser sur ce canardage tous azimuts qui finit par abasourdir (et du moins en ressort-on avec la phobie des armes) mais la violence des gunfights n’est jamais restituée dans ce qu’elle a de plus brut. Elle est abolie par la pureté d’exécution des gestes, simple déréalisation. Gestuelle codifiée à l’extrême (au point qu’on retrouve fréquemment les mêmes postures, comme décalquées) et qui exprime toujours le vrai des personnages. » (Vincent Vatrican, Cahiers du cinéma n°470, juillet-août 1993)