The Woman of Wrath

Lumière Classics & Nouvelles restaurations : Trésors et curiosités

Orpheline de père, Lin Shih (Patricia Ha) voit sa mère se suicider avec un couteau. Elle est alors recueillie par son oncle. Devenue adulte, elle doit épouser de force le boucher Chiang Shui (Ying Bai) qui la traite avec brutalité pour assouvir ses pulsions sexuelles. Seule face à cet homme violent, Lin Shih plonge dans la dépression, jusqu’au jour où elle se révolte.

Au début des années 80, le cinéma taïwanais traverse une crise majeure. Il subit la concurrence des films provenant de Hong Kong, très populaires auprès du public, tandis que la fréquentation des salles baisse sous l’effet du marché de la vidéo, en plein essor. L’industrie locale doit se renouveler pour reconquérir le cœur des spectateurs. La plus importante société de production de l’île, la Central Motion Picture Corporation, choisit alors de soutenir des jeunes cinéastes, qui vont faire entendre leur voix et proposer des histoires plus réalistes, ancrées dans le quotidien des habitants. 

Né en 1947, Tseng Chuang-hsiang appartient à cette génération. En 1982, il réalise l’un des segments du film collectif L’Homme sandwich, dont les deux autres épisodes sont dirigés par Wan Jen et Hou Hsiao-hsien. Le scénariste Wu Nien-jen tient aussi un rôle majeur dans l’émergence de cette nouvelle vague, travaillant notamment à l’écriture du premier long métrage d’Edward Yang, That Day, on the Beach.

Tourné en 1984, The Woman of Wrath repose ainsi sur un assemblage de talents. Hsu Feng, actrice qui tenait le rôle principal dans A Touch of Zen de King Hu, se charge de la production avec sa compagnie Tomson Films. Le scénario est adapté d’un roman de Li Ang, connue pour sa capacité à briser les tabous à travers des récits dérangeants, porteurs d’une charge politique et féministe. The Woman of Wrath retrace la vie éprouvante d’une femme livrée à la cruauté de son mari, au sein d’un village où règnent médisance et ragots. Abandonnée par sa famille, l’héroïne ne bénéficie d’aucun soutien et doit affronter seule une condition insupportable. Tseng Chuang-hsiang rend palpable sa détresse face à des abus répétés, tout comme il pointe l’aveuglement d’une société patriarcale étouffante, dans une mise en scène juste et sobre qui ne cède pas au sensationnalisme.