Une balle dans la tête

Invité d'honneur 2025 : John Woo

Hong Kong, 1967. Ben (Tony Leung Chiu-wai), Paul (Waise Lee) et Frank (Jacky Cheung) sont trois amis inséparables depuis l’enfance. Lorsque Ben décide d’épouser sa petite amie Jane (Fennie Yuen), Frank emprunte de l’argent à un mafieux afin de payer la fête. L’affaire tourne mal : attaqué par un gang rival, Frank est passé à tabac. Ben décide de le venger.

À partir de The Killer, les relations entre John Woo et son producteur Tsui Hark se dégradent, et la collaboration entre les deux hommes s’arrête après le polar Just Heroes (1989). Souhaitant être complètement maître de son travail créatif, John Woo monte sa propre société et se lance dans la mise en œuvre d’Une balle dans la tête, dont le scénario s’appuie sur ses souvenirs de jeunesse. Narrant la désagrégation d’une amitié, le récit s’étale sur sept ans et mène ses protagonistes de Hong Kong au Viêt-nam, où ils vont être broyés par la guerre. Disposant d’un budget important, John Woo réunit trois vedettes montantes qu’il entraîne dans un tournage de six mois en Thaïlande. Le résultat est une fresque puissante, qui évoque par moments Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino (1978). John Woo y livre sa vision de cette période tourmentée et trace un parallèle avec la situation actuelle de Hong Kong, bientôt rétrocédée à la Chine.    

Le montage du film s’avère une gageure. Parvenant à une première version de trois heures, John Woo doit opérer de nombreuses coupes et retirer la partie initiale, centrée sur l’insouciance des trois amis. Ambitieux et foisonnant, Une balle dans la tête ne cesse de monter en intensité au fil de la descente aux enfers de ses héros, pris dans une spirale de violence et de trahison. Désenchanté, le film se distingue par une noirceur hallucinée qui déstabilise les spectateurs à sa sortie. Échec public cinglant, Une balle dans la tête sera néanmoins salué par la critique internationale.   

« Avec une maîtrise qui n’exclut pas l’ironie, John Woo déploie tout son talent de chorégraphe de bagarres de masse et d’artificier, toutes les ressources du mélo extrême-oriental (ralentis, musique sirupeuse, grandes phrases définitives, outrances et regards appuyés). Mais son sens du rythme et de ses ruptures, le respect des personnages secondaires, la vibration haletante de tout le film lui donnent une ampleur épique, qui fait parfois songer à Sergio Leone. » (Jean-Michel Frodon, Le Monde, 6 août 1993)