Valeur sentimentale

Invité d'honneur 2025 : Sean Penn

Après la mort de leur mère, Nora (Renate Reinsve) et Agnes (Inga Ibsdotter Lilleaas) voient revenir dans leur existence leur père Gustav (Stellan Skarsgård). Réalisateur de renom, Gustav propose à Nora, comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais elle refuse de travailler avec lui. Il donne alors le rôle à Rachel Kemp (Elle Fanning), une jeune star américaine. D’anciennes blessures vont se réveiller.

Grand prix du jury au Festival de Cannes en 2025, Valeur sentimentale est le sixième film de Joachim Trier. Comme depuis ses débuts, le cinéaste norvégien conçoit le scénario avec Eskil Vogt. Les deux hommes élaborent leur récit autour des tensions qui agitent une famille, où rancœurs et non-dits remontent à la surface. Nora est confrontée au retour d’un père longtemps absent, qui lui fait soudain part de sa volonté de la diriger dans un film basé sur des éléments autobiographiques. La création artistique peut-elle réparer les manquements du passé ou sert-elle d’alibi pour esquiver le dialogue ? Joachim Trier analyse les relations complexes entre ses personnages, saisit leurs difficultés de communication, et s’interroge sur les conditions nécessaires à une réconciliation.

Valeur sentimentale a pour décor principal une splendide bâtisse entourée de verdure, sur le point d’être vidée, et dont les murs portent une longue histoire. Dans une rédaction écrite lorsqu’elle était enfant, Nora décrit la maison comme un être sensible, qui garde la mémoire de toutes les générations qui l’ont habitée. La photographie nuancée de Kasper Tuxen Andersen s’appuie sur la cinégénie de cette demeure où se déploient les affects familiaux. La mise en scène de Joachim Trier, qui saisit avec délicatesse les échanges de regards, permet à ses comédiens de briller. Le cinéaste retrouve ici Renate Reinsve, dont il avait révélé le talent en 2021 dans Julie (en 12 chapitres), et confie à Stellan Skarsgård un rôle d’une belle richesse. 

« Si Valeur sentimentale éblouit, ce n’est pas tant par son brio manifeste que par la grâce souterraine de son écriture, portée par un quatuor d’interprètes impeccables, et par la profondeur existentielle de son récit. […] Balançant entre Tchekhov, Ibsen et Bergman, figures tutélaires dont il s’affranchit gentiment, le cinéaste tisse en effet un drame familial d’une ampleur rarement atteinte dans sa filmographie, tant sur le fond que sur la forme. » (Ariane Allard, Positif n°773-774, juillet-août 2025)